Interview

Laurie Barone

Bonjour Laurie,

Diplômée de l’École Hôtelière de Genève avec mention, Laurie a construit un parcours remarquable, du secteur hôtelier à la finance, en passant par l’audit chez PwC. Aujourd’hui Directrice financière chez Lenz & Staehelin, elle incarne un leadership alliant exigence et bienveillance.

Dans cette interview, elle partage les valeurs de l’EHG, ses expériences internationales, son passage en audit et sa vision stratégique de la finance.

Vous avez obtenu votre diplôme de l’École Hôtelière de Genève avec une très bonne note (5.45). Quelles compétences et valeurs avez-vous acquises durant votre formation qui vous ont ensuite été utiles dans votre parcours professionnel ?

« Au-delà d’une belle moyenne, ce que je retiens surtout de l’EHG, ce sont les compétences fondamentales qu’elle m’a transmises : la rigueur, l’adaptabilité et un véritable sens du détail. Travailler dans l’hôtellerie-restauration, c’est apprendre à anticiper, s’organiser et toujours viser l’excellence en toutes circonstances – et idéalement, sans jamais perdre le sourire 🙂. Les valeurs de l’EHG telles que le professionnalisme, le respect, l’esprit collaboratif et la conscience durable m’ont accompagné tout au long de mon parcours. Dans ce métier – comme dans beaucoup d’autres – on ne réussit jamais seul. Savoir travailler en équipe, apprendre des autres et cultiver une attitude positive font souvent toute la différence.

En plus de fortes valeurs et d’un état esprit, j’ai aussi acquis de solides bases techniques telles que la gestion des salaires, la finance ou encore la maîtrise du logiciel Excel (les cours de Madame Leuba mériteraient presque une mention spéciale dans mon CV – ils m’ont suivi tout au long de ma carrière).

Enfin, l’orientation client, au sens large, m’a appris à écouter vraiment : pas simplement pour répondre à une demande, mais pour comprendre, ajuster et s’adapter. C’est une compétence précieuse, peu importe le secteur. Après plusieurs années en front à auditer les comptes des entreprises et aujourd’hui en back office, je peux vous confirmer que cette capacité est aussi essentielle en interne qu’en externe. »

Vous avez effectué des stages dans des secteurs variés (Sofitel Westlake en Chine, Grand Hotel Kempinski à Genève, Restaurant de la Société Nautique de Genève). Quels souvenirs gardez-vous de ces premières expériences et en quoi ont-elles influencé votre choix de carrière ?

« Ces stages faisaient partie intégrante de mon cursus scolaire à l’EHG. A l’époque, il était obligatoire de les effectuer dans des établissements du secteur hôtellerie-restauration – j’ai d’ailleurs appris que les élèves ont désormais plus de liberté et peuvent accomplir leur stage dans d’autres industries… une belle évolution ! Je garde d’excellents souvenirs de ces expériences, qui ont été de véritables immersions dans des univers très différents, chacun avec son lot d’enseignements et de moments marquants. A chaque nouveau lieu, je découvrais une culture d’entreprise unique, des attentes spécifiques et des rythmes parfois diamétralement opposés. Ce que j’en retiens avant tout, c’est que l’hôtellerie-restauration est un monde de passion, d’exigence et de défis constants. Chaque établissement a sa propre âme, son propre tempo, mais le fil rouge reste toujours le même : unir les talents pour offrir une expérience mémorable au client.

Ces expériences m’ont aussi permis de mieux cerner mes aspirations. Si l’opérationnel m’a beaucoup appris, j’ai rapidement compris que ce qui me stimulait le plus, c’était de comprendre les rouages en coulisses : les chiffres, la stratégie, la mécanique globale d’une organisation. Ces expériences ont donc été décisives dans mon orientation vers une voie plus analytique – sans jamais perdre de vue l’essentiel : l’humain. »

On dit souvent que les expériences de travail à l’étranger nous changent. Qu’avez-vous ramené de votre expérience au Sofitel en Chine ? Une habitude, un souvenir, ou même une astuce qui vous sert encore aujourd’hui ?

« Mon expérience en tant que Guest Relation au Sofitel à Hangzhou, bien que brève, a été extrêmement intense et enrichissante. La culture et la conception du travail y sont très différentes et j’ai vite compris que je devais tout réapprendre et mettre de côté ce que j’avais appris auparavant sur le plan professionnel. Les normes et les codes varient tellement par rapport à la Suisse que j’ai rapidement développé un sens aiguisé de l’ouverture d’esprit et une grande capacité d’adaptation. Je n’ai pas vraiment rapporté d’habitude ou d’astuce particulière de mon expérience en Chine mais je partage volontiers une petite anecdote.

En tant qu’eurasienne, il n’a pas toujours été facile de trouver ma place. Les clients chinois de l’hôtel s’adressaient à moi en anglais tandis que les touristes étrangers tentaient de converser en chinois. Imaginez-moi, là au milieu, essayant de deviner dans quelle langue répondre sans froisser personne. Il m’est même arrivé d’entendre des clients converser en français ou italien et je me retrouvais à jongler avec l’idée de faire semblant de ne pas comprendre ou, au contraire, de me lancer dans la conversation. C’était un véritable jeu de chaises musicales linguistique ! »

Vous avez évolué chez PwC en tant qu'auditrice, passant par les fonctions d’Assistant à Senior puis à Assistant Manager. Quels défis avez-vous rencontrés en audit et qu'est-ce qui vous a le plus motivée dans ces fonctions exigeantes ?

« Évoluer chez PwC en tant qu’auditrice a été un véritable parcours du combattant… mais d’un type que j’ai adoré ! Chaque étape de ma carrière m’a confrontée à des défis variés qui ont contribué à façonner mes compétences et mon approche du travail.

La révision des comptes est à la fois stimulante et exigeante. Dès mes débuts en tant qu’Assistant, j’ai dû faire face à des délais serrés, des volumes de données impressionnants et la nécessité de comprendre rapidement des environnements d’affaires complexes. Travailler sur plusieurs missions simultanément tout en s’assurant que chaque détail soit scrupuleusement vérifié demande une organisation impeccable et un mental d’acier. J’ai appris à jongler avec les chiffres et les priorités, parfois avec la même dextérité qu’un chef pâtissier en pleine saison des fêtes !

Ce qui m’a le plus motivée, c’est l’apprentissage constant et la diversité des missions. Chaque audit est unique, et chaque client a ses spécificités, ce qui exige rigueur, analyse et adaptabilité. J’ai également apprécié l’aspect collaboratif du métier. Évoluer dans des équipes dynamiques et échanger avec des professionnels de tous horizons est enrichissant, tout comme gérer la pression tout en maintenant un haut niveau de qualité. Aider les entreprises à naviguer à travers des processus financiers complexes et à améliorer leur efficacité est extrêmement gratifiant. Chaque rapport final, chaque constatation menant à une recommandation, représente un pas vers l’amélioration pour mes clients — et une petite victoire pour moi! Passer de Senior à Assistant Manager a été une étape clé, impliquant davantage de responsabilités techniques et un rôle de mentor pour les équipes. Cette transition m’a beaucoup enrichie sur le plan humain et managérial.

Et puis, il y a les moments de camaraderie au sein de l’équipe : les nuits passées à travailler ensemble pour respecter une échéance, entrecoupées de blagues et de café (ou autres boissons douteuses) à volonté, ont créé des souvenirs inoubliables. Ces expériences m’ont appris qu’un bon sens de l’humour est l’allié idéal, même dans les moments les plus stressants. »

Vous avez géré des audits dans divers secteurs, allant des assurances sociales aux hôtels. Comment avez-vous adapté vos compétences d’audit à ces différentes industries ?

« Le travail d’audit reste relativement similaire même si les rubriques des états financiers varient d’une industrie à l’autre. Chaque nouvelle mission est l’occasion de découvrir de nouveaux processus, des règles et normes spécifiques et de nouveaux défis également, ce qui est à la fois enrichissant et satisfaisant.

L’adaptabilité a été essentielle dans mon approche : comprendre les particularités de chaque secteur, identifier les risques propres à chaque activité et ajuster ma méthodologie et l’approche d’audit en conséquence. Par exemple, dans l’hôtellerie, l’accent est mis sur la gestion des revenus, les coûts opérationnels et la performance des établissements.

En revanche, dans le secteur des assurances sociales, les audits sont davantage axés sur la conformité réglementaire et la gestion des actifs. Ce qui reste constant, c’est la méthodologie rigoureuse, le jugement professionnel et l’analyse critique. On apprend à poser les bonnes questions, de la bonne manière et à la bonne personne. Cela me permet d’aller au-delà des chiffres pour appréhender la réalité économique et fournir des recommandations adaptées aux enjeux spécifiques de chaque client. »

Quelles leçons et compétences spécifiques en audit et en gestion d’équipes avez-vous pu acquérir durant votre expérience chez PwC ? Y a-t-il un conseil que vous donneriez aux jeunes diplômés qui souhaitent se lancer dans ce domaine ?

« Mon expérience chez PwC a été incroyable tant sur le plan des connaissances techniques que sur celui de l’aventure humaine partagée avec mes collègues, avec qui j’ai partagé des semaines de travail allant de 60 à 80 heures 🙂.

J’ai eu l’opportunité de développer plusieurs compétences clients, notamment :

  • Analyse et l’esprit critique : savoir aller au-delà des chiffres et comprendre les implications réelles des données financières.
  • Gestion du temps et priorisation : entre les délais serrés et des attentes élevées, il est crucial d’apprendre à être efficace et organisé.
  • Communication et diplomatie : expliquer des points techniques de manière claire et convaincante est essentiel, que ce soit auprès des clients ou des équipes internes.
  • Leadership et gestion d’équipes : j’ai appris à encadrer les juniors, à déléguer des tâches et à motiver les équipes, un apprentissage inestimable pour la suite de ma carrière.

Mon conseil aux jeunes diplômés serait le suivant : si vous n’avez pas peur de la charge de travail et que vous avez envie d’apprendre, lancez-vous sans hésiter. L’audit est une expérience formatrice qui offre une vision transversale des entreprises. J’ai eu la chance de préparer mon diplôme d’experte-comptable en parallèle de mon travail, ce qui m’a permis d’acquérir de solides connaissances techniques également. Un passage par un Big 4 reste une excellente expérience, ouvrant de nombreuses portes, que ce soit en finance, en conseil ou en gestion.

Et surtout, garder une bonne dose d’humour et de légèreté par moment : la période des clôtures comptables (la fameuse « busy ») est toujours plus facile à gérer avec un bon esprit d’équipe et… de bons croissants partagés avec ses collègues ! Comme le disait une ancienne Manager, il ne faut jamais oublier qu’à la fin, « on ne sauve pas de vies » et que notre travail n’est pas si important ou urgent. »

Quelles sont les plus grandes différences que vous avez observées en passant d’un rôle d’audit externe chez PwC à un poste de direction financière en entreprise ?

« Lorsque j’étais auditrice externe, je changeais d’équipe, de client et de lieu de travail presque chaque semaine. Même si une mission pouvait être moins agréable, je savais qu’une nouvelle expérience m’attendait la semaine suivante. Dans mon poste actuel, l’activité est plus stable et récurrente. Chaque année, j’ai un planning assez similaire et je sais quand nous bouclons nos comptes, préparons le budget et ainsi de suite.

Cette « routine » me permet de mieux connaître mon environnement, d’anticiper et d’améliorer chaque tâche et aspect de mon travail au quotidien. Le passage de l’audit externe à un poste en entreprise est un véritable changement de perspective. En audit, j’avais un rôle d’observateur et d’analyste : je vérifiais les comptes, identifiais les risques et posais des questions, tout en restant en dehors de la gestion quotidienne.

En revanche, chez L&S, je suis désormais un acteur direct des décisions financières et stratégiques. L’une des plus grandes différences réside dans la vision à long terme. En audit, les missions sont ponctuelles et axées sur la validation des états financiers à une date donnée. En entreprise, il est essentiel de penser en termes de planification, de prévisions et d’optimisation des ressources sur le moyen et long terme. On ne se contente plus d’analyser les chiffres, il faut aussi les influencer.

Une autre différence majeure est l’approche relationnelle. En audit, bien que je collaborais avec de nombreux clients, les interactions restaient souvent formelles et limitées dans le temps. En entreprise, je construis des relations durables avec les différentes équipes internes que je côtoie au quotidien.

En résumé, passer de l’audit à la finance d’entreprise, c’est évoluer d’un rôle d’analyse externe à celui de décideur stratégique. C’est un défi passionnant qui demande à la fois rigueur, vision et leadership. »

Votre parcours montre une grande capacité d’adaptation et un engagement constant à progresser. Quelles sont vos sources d’inspiration, ou des figures qui vous ont influencée dans votre carrière ?

« Je pense que mon parcours professionnel est le reflet de ma personnalité : je suis quelqu’un de positive, motivée et toujours prête à découvrir de nouvelles choses. Je ne me considère pas du tout comme une carriériste; je reste la même personne en tout temps, que ce soit au bureau ou en dehors.

Je valorise l’humanité, la transparence et la loyauté. De manière générale, j’aime donner le meilleur de moi-même afin de progresser continuellement. Que ce soit dans mon travail ou mes loisirs (sport, musique, etc.), j’aspire toujours à m’améliorer. Je n’ai donc pas de figure en particulier qui ait influencé ma carrière mais je tire une grande inspiration de chaque rencontre.

J’apprécie côtoyer des personnes de cultures et d’horizons différents, et je m’inspire des qualités positives que je peux observer chez chacune d’elles. Avec mes trois origines (suisse, italienne et chinoise) et avec des grands-parents de trois religions différentes (protestante, catholique et bouddhiste), j’ai toujours aimé voyager et découvrir. Que ce soit au niveau des langues, de la cuisine ou des manières de se comporter et de s’habiller, je m’adapte facilement à chaque environnement.

De plus, j’ai évolué dans des milieux relativement masculins, que ce soit en étant passionnée de football depuis mon enfance ou en travaillant dans le secteur financier. Cela m’a appris à observer les codes et à m’intégrer rapidement. En résumé, mes expériences et les personnes que je rencontre m’inspirent au quotidien, et c’est cette diversité qui enrichit ma vision du monde et de ma carrière. »

Si vous pouviez donner un conseil à la « Laurie » qui démarrait comme stagiaire en comptabilité, que lui diriez-vous en deux phrases ?

« Je n’ai pas vraiment de conseil à donner à cette Laurie, car elle a souvent su peser le pour et le contre afin de prendre les bonnes décisions. Mais peut-être que je lui chuchoterais à l’oreille : « ose, fonce et ne crains pas de sortir de ta zone de confort – c’est là que tu apprends le plus. »

Par ailleurs, je conseillerais à tous les jeunes étudiants et diplômés de choisir leurs premiers employeurs en tenant compte de leurs aspirations et de leurs valeurs. Il est essentiel de s’assurer que qu’ils prennent du plaisir dans leur travail, tout en restant ouverts d’esprit face à différentes industries. Les opportunités professionnelles peuvent souvent être surprenantes et enrichissantes, même si elles ne correspondaient pas forcément aux éventuels préjugés que nous pouvons avoir. »

Pour finir, quels sont vos projets ou objectifs à venir, tant sur le plan professionnel que personnel ?

« Je viens d’être diplômée d’un EMBA (Executive Master of Business Administration) à la fin de l’année dernière et pour le moment, je n’ai pas de projets précis à part retrouver un rythme de travail un peu plus normal 🙂.

Mais me connaissant, je ne vais pas tarder à trouver d’autres challenges, qu’ils soient sportifs, académiques ou autres. Professionnellement, je souhaite continuer à évoluer dans des rôles stratégiques où la finance ne se limite pas à un simple support, mais devient un levier de transformation et de croissance.

J’aspire également à accompagner et former la nouvelle génération en partageant mon expérience et en leur offrant les clés pour s’épanouir dans ce domaine exigeant. Sur le plan personnel, je tiens à garder du temps pour voyager et découvrir de nouvelles cultures car cela représente une source infinie d’apprentissage et d’inspiration.

Qui sait, peut-être que je me lancerai un jour dans un projet entrepreneurial qui allierait finance et restauration… après tout, les meilleures aventures commencent souvent par une idée un peu folle ! »

À travers son parcours exemplaire, Laurie Barone ne nous rappelle qu’une carrière réussie ne se construit pas seulement avec des compétences techniques, mais aussi avec de l’humilité, de la curiosité et une vraie passion pour l’humain.

Merci Laurie d’avoir pris le temps de revenir sur votre trajectoire, vos apprentissages, vos défis et vos aspirations. Votre regard éclairé sur la finance, le management et la transmission est une véritable source d’inspiration pour les étudiants, les jeunes diplômés… et bien au-delà.

Nous vous souhaitons beaucoup de succès dans la suite de vos projets – professionnels comme personnels – et ne doutons pas que vous continuerez à tracer votre route avec la même énergie et élégance.

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